Abus sexuels dans l’Église : réactions des fidèles en Alsace

Le rapport de la Commission indépendante de la lutte contre les abus sexuels dans l’Église (CIASE) rapporte que 330 000 mineurs ont été victimes de prêtres, de religieux ou de laïcs en mission ecclésiale depuis 1950. Des fidèles de Mulhouse témoignent du choc de la nouvelle.

Heureux que le tabou soit levé

Ailleurs dans le diocèse, des familles se disent soulagées « que le tabou soit enfin levé! » « On entendait parler de ces sujets, mais toujours sous couvert de mystère », expliquent Véronique et Amaury. Le choc n’est pas moindre: « On pleure avec les victimes et on aimerait leur offrir notre compassion et notre prière. »

Ces parents avertis ne craignent pas d’aborder le sujet avec leur quatre enfants, dont certains sont servants d’autel, ni de parler de la figure du prêtre pour la désacraliser. « Nous voulons leur permettre d’admirer l’amitié avec un prêtre et ce qu’il peut représenter du Christ, sans pour autant en faire une idole et une icône. » Lorsqu’ils vivent le sacrement de la Réconciliation, Véronique a l’habitude de demander à ses enfants comment s’est passé le sacrement et comment ils ont été interrogés, sans intervenir sur l’objet même de l’entretien.

Accompagner l’équilibre affectif des prêtres

Astrid, maman de quatre enfants entre 7 ans et 5 mois, a été particulièrement touchée par le recueil de témoignages De victimes à témoins adressé à la CIASE. « Tant qu’on ne connaît pas le témoignage des victimes, on ne peut pas comprendre à quel point cette situation dans l’Église a gâché des vies. » Son mari, « abasourdi par l’ampleur des abus« , garde toutefois confiance dans l’Église. Il rejoint le cortège de celles et ceux qui réclament un meilleur suivi dans la formation et l’accompagnement de l’équilibre affectif des séminaristes et des prêtres. « Il y a une vraie réflexion à entreprendre sur le besoin de fraternité des prêtres, et de ne pas être seuls. C’est aussi à nous, couples chrétiens, de les inviter et prendre du temps avec eux. A nous de jouer notre rôle! »

Pour Amaury, le rapport « lance un message à l’épiscopat français sur la place des laïcs dans la vie de l’Église, notamment des femmes. C’est un sujet compliqué, mais on ne peut plus faire l’économie de ces questions. »

Réformer la gouvernance

Selon Sébastien, papa de deux enfants,  le temps d’une réforme du mode de gouvernance est arrivé, « avec plus de synodalité et moins d’idéologie. Il faut que les évêques se secouent la mitre et chassent à coup de crosse les pervers de nos églises« , martèle-t-il. Ce théologien espère que « face à ces abus sexuels, et aux abus spirituels et doctrinaux qui les accompagnent, un concile puisse se réunir pour prier d’abord, et donner un champ d’action net et précis, sans ambiguïté. »

« Ce qu’il y a de pire, renchérit Anne-Marie, grand-mère dans le Bas-Rhin, c’est l’omerta qui a prévalu pendant des dizaine d’années, voire des siècles. Je remercie les évêques d’avoir créé la CIASE  pour faire la lumière sur ces problèmes. Mais je ne suis pas sûre que toute l’Église soit prête à l’aggiornamento nécessaire. »

Des parents inquiets mais vigilants

Aux familles désemparées qui hésitent à désinscrire leurs enfants du catéchisme ou d’une activité ecclésiale, Astrid préconise de s’investir auprès des éducateurs de leurs enfants. »Dans le cadre du scoutisme par exemple, on peut très bien inviter les chefs et cheftaines à dîner avant un camp, pour mieux connaître ceux à qui on va confier nos enfants. »

Véronique invite aussi les parents à s’interroger : « Quelles sont les personnes que j’admire de façon disproportionnée ?« . En effet, selon cette maman, psychologue de formation, « à partir du moment où un parent accorde une place disproportionnée à un autre adulte, il peut, d’une certaine manière, mettre en danger son enfant. Soyons équilibrés dans nos relations!« 

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