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L’écho des Collines

Retrouver sur cette page le bulletin « L’écho des Collines »
ainsi que les articles sur le Curé d’Ars et Charles de Foucauld.

Le curé d'Ars, St Jean-Marie Vianney

Quand nous entendons parler de mission, nous pensons à évangélisation, à « faire quelque chose pour faire connaître Jésus », à des plans innovants etc. Pour le Curé d’Ars, il faut d’abord souligner qu’il était hanté par le salut, le sien et celui des autres. Il voyait l’urgence de la conversion. Notre monde n’est pas fait pour s’amuser, ce monde est là pour préparer notre salut. Au début du XXème siècle, un jésuite disait : on est au monde pour travailler, prier, souffrir, et ainsi parvenir au Ciel. De nos jours où nombreux sont ceux qui croient « qu’on ira tous au paradis », il est devenu difficile de comprendre l’importance du salut, l’urgence de la conversion, qui hantait le cœur du saint pasteur.

En envoyant M. Vianney à Ars, l’évêque lui dit : « il n’y a pas beaucoup d’amour de Dieu dans cette paroisse, vous en mettrez ! » Or, il ne peut y avoir de véritable amour là où il y a méconnaissance, ignorance. En effet, dans la Bible, aimer et connaître vont ensemble. Saint Jean-Marie Vianney l’avait bien compris : prière et enseignement, approfondissement de la foi, renonciation au mal et réconciliation, exemple de charité, voilà les fondements de son activité missionnaire :

Avant son enseignement, il y avait sa manière de prier : sa préparation à la messe et sa manière d’être dans une église étaient déjà missionnaires.

Ensuite, il passait beaucoup de temps à éclairer l’intelligence autant que le cœur. Tous les jours durant 40 ans il donnait le catéchisme, il prêchait avec une grande profondeur ; lisons ses sermons.

Il donnait tout ce qu’il avait aux vagabonds, dans le village il aidait secrètement ceux qui étaient dans le besoin, tout cela est source de bénédiction.

Bien plus, c’est par le moyen de la réconciliation qu’il a suscité la conversion des âmes. Combien d’âmes sont venues à Ars le cœur gros, la conscience lourde, parfois aussi la foi complètement éteinte, et à travers la rencontre du confessionnal, c’est le Seigneur qu’ils ont rencontré, transformant leurs vies.

Mais surtout, et avant tout, c’est la prière qui était à la base du zèle missionnaire du Curé d’Ars. Pour le comprendre, il y a sûrement un mystère quant à la prière, mystère à approfondir. D’ailleurs, dom Chautard a écrit un livre sur la prière dont le titre est : « L’âme de tout apostolat ». Ainsi, pour être missionnaire, il faut d’abord une authentique vie de prière.

P. Anthony

Durant son ministère de curé à Ars, Jean-Marie Vianney ne compta pas les heures qu’il passait en prière dans son église. Hiver comme été, nuit et jour, il se surpassa pour parler à Dieu à travers l’adoration eucharistique.

La prière d’adoration est ce dialogue intime avec Jésus réellement présent dans le Saint Sacrement, exposé à la vénération des fidèles. Le saint Curé d’Ars disait que le Seigneur « est là avec son bon cœur qui attend que nous allions Lui dire nos besoins et Le recevoir ». L’adoration est d’abord un temps de silence que nous offre le Seigneur : Il est bien là, à l’écoute, pour un cœur à cœur avec chacun, un échange d’amour

« Je le regarde et il me regarde » a répondu l’abbé Vianney à l’un de ses paroissiens qui l’interrogeait sur son occupation fervente et fidèle. « Il est là » s’exclamait-il encore en regardant et en ne perdant pas des yeux le tabernacle de sa petite église.

Pour adorer son Seigneur, le curé d’Ars ne ménageait pas les moyens pour ce faire ; il avait à cœur d’avoir dans son sanctuaire le plus beau des ostensoirs, ce soleil doré qui irradie le Corps précieux du Seigneur Jésus qu’on expose pour que les fidèles puissent bien l’adorer et le prier.

Dans de nombreuses prédications, à travers le catéchisme dont le futur saint nourrissait les esprits de ses contemporains, le public mesurait assurément tout son zêle et son grand amour envers l’Eucharistie célébrée et adorée.

Car pour Monsieur Vianney, « il n’y a rien de plus grand que l’Eucharistie ». Dans son cœur de prêtre, mais d’abord dans son cœur de chrétien et de baptisé, ce qui le touchait le plus profondément fut bien de constater que Dieu était là toujours, pour nous, à travers le Corps de Jésus-Christ réellement présent dans le tabernacle.

« Il nous attend, nuit et jour ! » : cette prise de conscience de la présence réelle de Dieu dans le Saint-Sacrement fut peut-être l’une de ses plus grandes grâces et une de ses plus grandes joies. Donner Dieu aux hommes et les hommes à Dieu, le sacrifice eucharistique devint très vite le cœur de ses journées et de sa haute conscience pastorale.

Venir adorer le Seigneur : c’est là l’invitation ardente d’un curé envers tous ses paroissiens. Mais c’est aussi et d’abord l’expérience heureuse d’un croyant envers son Maître et Créateur. Toutes deux procurent joie et paix pour les cœurs.

le 8 mai 1786 à Dardilly, près de Lyon, dans une famille de cultivateurs, Jean-Marie Vianney connaît une enfance marquée par la ferveur et l’amour de ses parents. Le contexte de la Révolution française va cependant fortement influencer sa jeunesse : recevant l’absolution d’un prêtre clandestin, deux ans plus tard, il fait sa première communion dans une grange, lors d’une messe clandestine, célébrée par un prêtre réfractaire. A 17 ans, il choisit de répondre à l’appel de Dieu : « Je voudrais gagner des âmes au Bon Dieu », dira-t-il à sa mère, Marie Béluze. Mais son père s’oppose pendant deux ans à ce projet, car les bras manquent à la maison paternelle.

Il commence à 20 ans à se préparer au sacerdoce auprès de l’abbé Balley, Curé d’Écully. Les difficultés vont le grandir : il navigue de découragement en espérance… Il est obligé de devenir déserteur lorsqu’il est appelé à entrer dans l’armée pour aller combattre pendant la guerre en Espagne. Mais l’Abbé Balley saura l’aider pendant ces années d’épreuves et il est finalement ordonné prêtre en 1815.

En 1818, il est envoyé à Ars. Là, il réveille la foi de ses paroissiens par ses prédications mais surtout par sa prière et sa manière de vivre. Il se sent pauvre devant la mission à accomplir, mais il se laisse saisir par la miséricorde de Dieu. Il restaure et embellit son église, fonde un orphelinat : « La Providence » et prend soin des plus pauvres. Très rapidement, sa réputation de confesseur lui attire de nombreux pèlerins venant chercher auprès de lui le pardon de Dieu et la paix du cœur.

Assailli par bien des épreuves et des combats, il garde son cœur enraciné dans l’amour de Dieu et de ses frères ; son unique souci est le salut des âmes. Ses catéchismes et ses homélies parlent surtout de la bonté et de la miséricorde de Dieu. Prêtre se consumant d’amour devant le Saint-Sacrement, tout donné à Dieu, à ses paroissiens et aux pèlerins, il meurt le 4 août 1859, après s’être livré jusqu’au bout de l’Amour. Sa pauvreté n’était pas feinte. Il savait qu’il mourrait un jour comme « prisonnier du confessionnal ».

Béatifié le 8 janvier 1905, il est déclaré la même année, “patron des prêtres de France”. Canonisé en 1925 par Pie XI (la même année que sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus), il sera proclamé en 1929 “patron de tous les Curés de l’univers”. Le Pape Jean-Paul II est venu à Ars en 1986.

Aujourd’hui Ars accueille 500 000 pèlerins par an et un séminaire  a été ouvert en 1986, qui forme les futurs prêtres à l’école de « Monsieur Vianney ». Car, Là où les saints passent, Dieu passe avec eux ! Enfin en 2010, une Année Sacerdotale fut déclarée  par le Pape Benoît XVI pour toute l’Église, sous l’égide du Saint Curé.

Comme tous les saints, le Curé d’Ars avait un rapport très étroit avec l’eucharistie. Il disait par exemple : « Toutes les bonnes œuvres réunies n’équivalent pas au saint sacrifice de la messe, parce qu’elles sont les œuvres des hommes, et la messe est l’œuvre de Dieu. » Cette simple phrase nous fait déjà chavirer… À elle seule cette phrase devrait nous faire entrapercevoir la profondeur spirituelle de la messe… Mais le saint poursuit : « Si l’on connaissait le prix du saint sacrifice de la messe, ou plutôt si l’on avait la foi, on aurait bien plus de zèle pour y assister. » Donc la perception que nous avons de la messe dépend de notre foi, c’est pourquoi il n’est pas inutile de prier avant chaque messe : « Seigneur, augmente en moi la foi en l’eucharistie ».

Voici un de ses conseils, sur l’attitude qui convient après avoir reçu la sainte Communion : « Je n’aime pas, quand on vient de la sainte table, qu’on se mette tout de suite à lire. À quoi bon la parole des hommes, quand c’est Dieu qui parle ? Il faut faire comme quelqu’un qui est bien curieux et qui écoute aux portes. Il faut écouter tout ce que le bon Dieu dit à la porte de notre cœur. » Conseil qui nous invite à prendre un temps de recueillement dans le silence après la Communion.

Après la messe, les hosties consacrées sont toujours présence réelle du Christ, ce qui était pour le Curé d’Ars une consolation infinie. « Quel bonheur n’éprouvons-nous pas en présence de Dieu lorsque nous nous trouvons seuls à ses pieds, devant les saints tabernacles ! » disait-il. En effet, saint Jean-Marie Vianney passait de longues heures, seul, devant le tabernacle de sa petite église. Il se levait au cœur de la nuit, lanterne en main, et jusqu’à l’aube, à genoux devant la présence divine du Saint-Sacrement, il demandait à Dieu de convertir la paroisse. Il disait encore : « Si nous avions les yeux des anges (les avait-il pour dire cela ?), en voyant Notre-Seigneur Jésus-Christ qui est ici présent sur cet autel, et qui nous regarde, comme nous l’aimerions ! nous ne voudrions plus nous en séparer ; nous voudrions toujours rester à ses pieds : ce serait un avant-goût du ciel ; tout le reste nous deviendrait insipide. »

Et encore, au-delà de ces paroles qui concernent la piété personnelle, le Saint Curé d’Ars disait qu’une paroisse doit être « une communauté eucharistique ». C’est-à-dire, une communauté de baptisés qui gravite autour de cette présence réelle de Jésus Christ, qui s’en nourrit, qui l’adore. Cette présence réelle du Christ dans l’eucharistie, bien qu’invisible, est le rocher sur lequel nous pouvons nous appuyer (cf. 1 Co 10, 1-4).

Méditons bien ces paroles de feu qui sortent de la bouche du saint patron de tous les curés !

Saint Jean-Marie Vianney, le Curé d’Ars, était connu pour la confession (qu’on appelle aussi le sacrement du pardon, ou encore le sacrement de la réconciliation).

Il était un bon confesseur, profond, clairvoyant, exigeant tout en étant indulgeant.

« M. Vianney déteste le mal et le péché, il ressent une compassion immense pour les coupables et ne peut s’empêcher de gémir à haute voix sur eux, sur les craintes que lui inspire leur destin. C’est à peine s’il peut réciter chaque soir : « Mon Dieu qui ne voulez pas que les pécheurs périssent… » tant il pleure. En vérité, il aime les « pauvres pécheurs ». Il voudrait se confesser pour eux ! »

De par le péché d’Adam et Eve nous naissons tous pécheurs, si bien que nous pouvons tous dire, avec saint Paul : « Je ne fais pas le bien que je voudrais, mais je commets le mal que je ne voudrais pas » (Rm 7, 19).

En hiver il consacre 11 à 13 heures à cette besogne de pénitence, tant les gens affluent. Et l’été, il confessera pendant 17 à 18 heures. Au début du rayonnement du Curé d’Ars, déjà 20 000 personnes commencent à déferler, chaque année, dans ce village de 240 âmes ; « l’ébranlement devient général et le mouvement vers Ars quasi européen ». Il faut du mérite désormais, aux pénitents du Curé d’Ars : M. Vianney, nous dit un témoin, a parfois beaucoup de peine à pénétrer dans l’église où la foule s’engouffre tumultueusement, c’est bien une cohue. L’abbé Monnin dira : « l’empressement était parfois si grand qu’il y avait des chutes, des épisodes comiques, une indescriptible confusion qui ne cessait qu’au moment où le Curé d’Ars apparaissait ».

L’Eglise recommande la confession au moins 1 fois par an, mais si nous avons un péché sur la conscience, il ne faut pas perdre de temps à trouver un prêtre, comme on irait voir un médecin pour guérir notre âme blessée par le péché. Le temps du carême est d’ailleurs un temps privilégié pour préparer une bonne confession.

Lorsqu’il sort de son confessionnal, la foule est si épaisse qu’on est obligé de le protéger. Des gens énervés le tirent par la soutane. On manque de le faire tomber ! et lui ne se plaint jamais. Dans ce ministère de la confession, M. Vianney est aidé par 1 don de Dieu. Il répond aux questions de certains pécheurs, sans que les pénitents aient eu même à les poser, et Dieu lui fait savoir des péchés que les pénitents eux-mêmes ont oubliés ! Les témoins de ce don sont innombrables…

Pour préparer sa confession, il faut se mettre en prière, et examiner sa conscience avec l’aide des 10 commandements de Moïse. Quelles sont les péchés que j’ai commis ? Un élément peut nous aider, le regret. Qu’est-ce que je regrette avoir fait, dit, penser, où omis ? En effet, omettre volontairement un secours, une aide qu’on aurait pu donner, est aussi un péché, on dit « un péché par omission ».

Un jeune homme voulu un jour tromper M. Vianney en simulant le repentir. Il aborde le Saint d’un air pieux : « C’est un grand pécheur qui vient à vous, la douleur dans l’âme » dit-il. Mais le Curé lui répond très sèchement : « Je n’ai pas le temps mon ami. Il ne manque pas ailleurs de prêtres pour vous entendre ». Lorsqu’on se confesse, il ne faut rien omettre par crainte ou par honte, car alors ces péchés ne sont pas pardonnés, et le Curé d’Ars disait : « les péchés que nous cachons reparaîtront tous ; pour bien cacher ses péchés, il faut bien les confesser ». On vient se confesser pour se décharger du fardeau de nos péchés qui écrasent notre conscience, afin de retrouver la pureté de notre âme. C’est une grâce incalculable de pouvoir recevoir le pardon des péchés dans la confession.

Très souvent, on a vu la vie d’une personne transformée après une bonne et authentique confession… Quand notre âme est pure, disait le Curé d’Ars, elle est comme une belle rose, et les 3 personnes divines descendent du ciel pour en respirer le parfum…

Père Anthony Rien

Charles de Foucauld, le frère universel

Le langage utilisé par Charles de Foucauld découle d’une source personnelle, voire de son expérience mystique. Il emploie ainsi les formules de : salut de tous les hommes, extension du saint Évangile, conversion des infidèles, évangélisation des colonies, faire du bien aux âmes, être ouvrier apostolique, et ce cri dans sa prière : « que tous les humains aillent au ciel. »

Sa pensée missionnaire est née au milieu de l’année 1893, alors qu’il se trouve en Syrie dans la petite Trappe d’Akbès : « Depuis cinq ans et demi, il m’a toujours apparu que je ne pouvais mieux glorifier Dieu qu’en faisant ce qu’a fait la T. Ste Vierge dans le mystère de la Visitation. Sans sortir de la vie cachée, sans sortir du silence, elle sanctifie la maison de St Jean [-Baptiste] en y portant Jésus et en y pratiquant les vertus évangéliques » (Introduction au Règlement provisoire des Ermites du Sacré-Cœur de Jésus, 1899)

C’est donc du mystère de la Visitation qu’il tire sa méthode d’évangélisation : agir comme Jésus. Sa méthode était celle de la bonté, de l’accueil, de l’amitié. Il exerçait un apostolat de la présence, de la proximité en partageant le mode de vie de ceux avec qui il vivait. Son visage rayonnait de bonté, effet visible de sa vie d’adoration eucharistique. Par le Saint Sacrement, il rendait Jésus présent au milieu d’un peuple qui ne le connaissait pas.

« Toute notre vie, si muette qu’elle soit, … doit être une prédication de l’Évangile par  l’exemple ; toute notre existence, tout notre être doit crier l’Évangile sur les toits, … doit  être une prédication vivante. » (Méditation sur l’Évangile, 1896)

C’est pourquoi, une de ses particularités, c’est la proximité. Quand il était au Hoggar, son désir était d’être du pays, Touareg avec les Touaregs, parler leur langue pour être en relation ordinaire avec eux, tout en désirant leur annoncer l’Évangile. Se montrer proche, c’est devenir ami. L’amitié, manifestation de la bonté, peut commencer, si nécessaire, tout simplement par entrer en contact. Le premier contact, suivi de beaucoup d’autres, aboutit à l’amitié et à une proximité de plus en plus réelle et sûre.

Un autre aspect de cette proximité, est le génie spirituel avec lequel il écrit à chacun. Son abondante correspondance nous montre qu’une lettre personnelle adressée à quelqu’un est un moyen favori pour l’élever humainement et spirituellement. Il exprime ainsi son souci personnalisé envers des personnes concrètes. Avec ce côté « conversationnel », Charles de Foucauld sait s’adapter à chacun. Son courrier est donc un media pour « faire du bien aux âmes » et les évangéliser.

De plus, cette mission est pour tous : « Tout chrétien doit donc être apôtre : ce n’est pas un conseil, c’est un commandement, le commandement de la charité. (…) Les laïcs doivent être apôtres envers tous ceux qu’ils peuvent atteindre : leurs proches et leurs amis d’abord, mais non eux seuls, la charité n’a rien d’étroit, elle embrasse tous ceux qu’embrasse le Cœur de Jésus. » (Lettre à Joseph Hours, 3 mai 1912) Cela se traduit alors par la demande de trouver – à côté des prêtres – ’’ des Priscille et des Aquila ’’. En cela, Charles est innovant pour son époque et précurseur du Concile Vatican II.

Enfin, cette mission demande de la patience, car les âmes sont différentes : « il faut attirer l’une par une voie, l’autre de telle autre, chacune selon ce que Dieu a mis en elle … Ce serait folie d’avoir une voie unique et de vouloir toutes les faire passer par là : il faut les étudier (ces voies) et les faire aller à Dieu chacune par la voie par laquelle Dieu l’appelle ».

P. Eric, d’après un article de Pierre Sourisseau « Charles de Foucauld devant l’évangélisation », karthala, 2017

L’adoration du Christ présent dans le saint sacrement est évidemment, pour Charles de Foucauld, indissociable de la célébration de l’eucharistie. Il y a passé des heures tous les jours dans les différents lieux où il a vécu. Il recommande à ses disciples d’exposer le saint sacrement nuit et jour et de pratiquer l’adoration perpétuelle. Pour lui cette présence de Jésus dans l’hostie est la continuation de l’incarnation, le prolongement de sa vie terrestre. Elle est efficace, elle agit comme par rayonnement : « par cette présence de Notre Seigneur toujours exposé dans la sainte hostie, les peuples environnants sont merveilleusement sanctifiés : ainsi fut sanctifiée la maison de saint Jean par Notre Seigneur encore dans le sein de  la Sainte Vierge. Et par cette présence de notre frère Jésus, notre vie devient la vie de la divine maison de Nazareth, vie délicieuse et bienheureuse, passée, comme celle de la Très Sainte Vierge et de saint Joseph, dans la vue continuelle de notre bien-aimé Jésus. »

Pour lui la bénédiction du Saint Sacrement et la communion eucharistique ont une dimension mystique. Ce sont des contacts avec le bien aimé et il emploie pour en parler un langage nuptial, comme dans le Cantique des cantiques. Il présente l’adoration comme un devoir d’amour.

Adorer, c’est essentiellement reconnaître sa petitesse face à la grandeur de Dieu

« O mon Sauveur, si je regardais avec foi le tabernacle, la Sainte Hostie, comme je me noierais dans votre amour, comme je m’y perdrais, comme je m’enivrerais  assez de vous, pour rester tous les moments de mes jours et de mes nuits dans cette ivresse qui est celle de la vérité…O mon Dieu, donnez-moi cette foi, une foi assez vive pour me faire mourir d’amour aux pieds de votre corps divin. »

En passant des heures au pied du tabernacle Frère Charles est dans cette attitude de celui qui rend les armes, attitude de remise de soi totale, de dépossession de tout orgueil.

« L’Eucharistie ce n’est pas seulement la communion, le baiser de Jésus, c’est aussi le Tabernacle et l’Ostensoir, Jésus présent sur nos autels tous les jours jusqu’à la consommation des siècles, vrai Emmanuel, vrai Dieu avec nous s’exposant à toute heure, sur toutes les parties de la terre, à nos regards, à notre adoration et à notre amour, et changeant par cette présence perpétuelle la nuit de notre vie en une illumination délicieuse »

Pierre Bayerlet, prêtre du diocèse de Besançon, membre de la fraternité sacerdotale « Jesus Caritas »

Charles de Foucauld (Frère Charles de Jésus) naquit à Strasbourg, en France, le 15 septembre 1858. Orphelin à six ans, il fut élevé, avec sa sœur Marie, par son grand-père, dont il suivit les déplacements dus à sa carrière militaire.

Adolescent, il s’éloigna de la foi. Connu pour son goût de la vie facile, il révéla cependant une volonté forte et constante dans les difficultés. Il entreprit une périlleuse exploration au Maroc (1883-1884). Le témoignage de la foi des musulmans réveilla en lui la question de Dieu : « Mon Dieu, si vous existez, faites que je vous connaisse ».

De retour en France, touché par l’accueil affectueux et discret de sa famille profondément chrétienne, il se mit en quête. Guidé par un prêtre, l’abbé Huvelin, il retrouva Dieu en octobre 1886. Il avait 28 ans. Avec cette première conversion, il découvre l’amour du Christ, en particulier dans l’Eucharistie comprise comme rencontre intime du Christ présent dans le pain partagé : « Aussitôt que je crus qu’il y avait un Dieu, je compris que je ne pouvais faire autrement que de ne vivre que pour lui. »

Un pèlerinage en Terre Sainte lui révéla sa vocation :  suivre Jésus dans sa vie de Nazareth. Il passa sept années à la Trappe, d’abord à Notre-Dame des Neiges, puis à Akbès, en Syrie. Il vécut ensuite seul dans la prière et l’adoration près des Clarisses de Nazareth.

Sur les conseils de l’abbé Huvelin, il est ordonné prêtre à 43 ans (en 1901). La retraite préparatoire à son ordination sera l’occasion d’une seconde conversion. Dorénavant, il ne s’agit plus seulement pour lui de contempler le Christ dans le pain, mais de le donner (donner le pain et donner Celui qui s’est donné le premier) à ceux qui en auraient besoin, en particulier les plus pauvres, les plus délaissés.

Il partit alors au Sahara, d’abord à Beni-Abbès, puis à Tamanrasset parmi les Touaregs du Hoggar. Il voulait que chacun de ceux qui l’approchaient le considère comme un frère, « le frère universel ». Charles de Foucauld partage le projet missionnaire de son époque de convertir les Touaregs au christianisme, mais il cherche à le faire non par ses paroles, mais par sa vie. Il voulait « crier l’Évangile par toute sa vie » dans un grand respect de la culture et de la foi de ceux au milieu desquels il vivait. « Je voudrais être assez bon pour qu’on dise :  Si tel est le serviteur, comment donc est le Maître ? ». Mais il ne fit aucun converti.

Le soir du 1 décembre 1916, il fut tué pas une bande qui avait encerclé sa maison.

Frère Charles écrivait beaucoup ; outre l’ouvrage “Reconnaissance au Maroc”, il a achevé -entre autres- un important dictionnaire Touareg-Français ainsi qu’une grammaire touarègue. Ses écrits spirituels sont encore plus nombreux ; des milliers de feuillets, méditations, correspondances, carnets, etc. … épargnés lors du pillage, furent sauvés et publiés.

Charles de Foucauld n’est pas un théologien de l’eucharistie, mais il a vécu l’eucharistie : il a fait de toute sa vie une grande eucharistie. Et on ne peut comprendre sa relation à l’eucharistie sans la mettre en lien avec sa recherche constante de prendre la « dernière place » : l’eucharistie est par excellence le repas de la dernière place, le repas où Jésus, « Maître et Seigneur », se fait le serviteur et l’esclave, jusqu’au don total de Lui-même. Ainsi, pour fr. Charles, la porte d’entrée dans le mystère de l’eucharistie, c’est le lavement des pieds, le grand agenouillement de Jésus qui révèle l’agenouillement de Dieu devant l’homme qu’il aime et qu’Il veut sauver.

Toute sa vie, il va méditer sur le Mystère de Nazareth. Il est séduit par la proximité, l’intimité de Jésus, telle qu’elle était offerte à Nazareth, de façon cachée, de façon enfouie. L’eucharistie, pour Charles de Foucauld, c’est d’abord le sacrement de cette Présence de Jésus. Présence infiniment réelle, vivante, agissante, mais Présence cachée, silencieuse, discrète, gratuite, dans un partage total de ce qui fait la condition des hommes… L’eucharistie continue cette Présence cachée, silencieuse, vivante.

Ainsi, l’eucharistie appelle à devenir soi-même, à la suite de Jésus, une présence humble et silencieuse, et surtout brulante d’amour, au milieu de ses frères les hommes. C’est ce style de témoignage, cette ardeur de charité fraternelle, que fr. Charles veut porter à tous les hommes.

Pourtant, à la Trappe de Notre-Dame des Neiges, après sa conversion, Charles de Foucauld n’envisageait absolument pas le sacerdoce car il craignant de perdre cette dernière place qu’il recherche avant tout. Mais il évolue sur ce point, et bientôt à Nazareth il se laisse convaincre de recevoir l’Ordination. Il estime « qu’une seule messe offerte vaut mieux, infiniment mieux, que toutes les autres œuvres que je pourrais faire. »

Mais pendant de nombreux mois dans le Hoggar, il n’aura pas l’autorisation de célébrer seul, et une fois qu’il l’obtiendra, il ne pourra plus conserver l’eucharistie au tabernacle. Aussi, sans l’expliciter de façon théologique fr. Charles entre dans une manière très profonde et cachée de vivre son sacerdoce et d’être prêtre de l’eucharistie : s’il ne peut célébrer liturgiquement le Saint Sacrifice, il fait de toute sa vie – au service de ses frères – un sacrifice vivant. Il se fait lui-même ce qu’est Jésus dans l’eucharistie : une présence cachée, silencieuse, donnée, livrée, qui ne s’impose pas, mais s’offre dans une totale gratuité d’amour, dans le seul but de devenir serviteur et petit frère de tous…

En devenant frères des hommes, fr. Charles se situe alors dans la droite ligne de l’Incarnation le Verbe qui prend et assume totalement notre humanité, se faisant Lui-même ce que nous sommes. Et l’eucharistie prolonge merveilleusement ce mystère. Il contemple Jésus qui prend et assume totalement le pain de l’homme, fruit de la terre et de son travail, et qui se fait Lui-même Pain, Pain rompu, Pain livré.

L’eucharistie est ainsi le sacrement du Sacrifice du Christ, c’est-à-dire de l’offrande que Jésus fait de Lui-même sur la Croix : « Voici mon corps livré, voici mon Sang versé. » Communier au corps livré et au sang versé est un appel au don total de soi, ce que l’Acte d’abandon de Frère Charles exprime si profondément : « Mon Père, je m’abandonne à Toi ! » Cette communion, cette oblation, cette offrande de sa vie, fr. Charles en cherchait l’aboutissement dans le martyre. C’est ainsi que le 1er décembre 1916, à la porte de son bordj de Tamanrasset, son corps culbute dans le sable, comme une vie perdue, une vie donnée. Quelques semaines plus tard, on retrouvera le petit Ostensoir, avec l’Hostie consacrée, dans le sable tout près du lieu où il est tombé … La messe est dite !

Pour bien comprendre cet aspect de la vie du frère universel, il faut tout d’abord éviter l’écueil de l’anachronisme, pour bien  prendre en compte l’idéologie colonialiste de son temps. Et en même temps, ce que Charles de Foucauld a été comme homme et comme chrétien, il le doit beaucoup à ce que Louis Massignon a appelé « la sommation de l’Islam. » En effet, l’expédition qu’il mena au Maroc en 1883 et qui le rendit célèbre, fut pour lui une expérience de la pauvreté, de l’hospitalité, mais aussi une expérience de la prière et de la vie de foi des musulmans : « La vue de ces hommes vivant dans la continuelle présence de Dieu a produit sur moi une profonde impression. » Plus que cela, ce fut un choc, un ébranlement, un profond bouleversement, une séduction à l’excès, car l’Islam lui plaisait beaucoup « avec sa simplicité, simplicité de dogme, simplicité de hiérarchie, simplicité de morale. » Cette séduction fut telle, qu’il hésita avant de rejoindre la religion de son baptême.

C’est lorsqu’il se trouve à la Trappe de Notre Dame des Neiges qu’il approfondit sa connaissance de l’Islam à travers le livre de Henry des Castries « L’islam, impressions et études » (Armand Colin, 1907). Il découvre alors que l’islam est autre chose que ce que l’on en dit et que les idées sommaires qu’il s’en fait. Portant, l’étude objective de cette religion ne fut pas l’objet de sa recherche. Au moment de sa mort, dans sa bibliothèque de près de 400 ouvrages, on ne trouve que 4 livres sur l’Islam. Le contexte culturel qui était le sien, ainsi que la théologie de l’époque, ne lui permettaient pas d’avoir un regard chrétien sur l’Islam, ni d’envisager une théologie chrétienne de l’Islam.

Paradoxe de la personne qui doit sa conversion et sa vie spirituelle à l’Islam, mais plus encore aux musulmans. Car comme l’écrit Pierre Sourisseau (En dialogue, n°14, SNRM, octobre 2020, p. 30) : « Au-delà de leur religion, ce sont les personnes qui l’intéressent. » Il vécut ainsi une profonde solidarité avec un peuple, les Touaregs, pour lequel il dépensa une grande énergie pour en comprendre la langue et la culture, afin d’écrire un dictionnaire et recueillir la poésie touarègue. Il abattit là un travail colossal.

C’est ainsi qu’il va entretenir de profondes et réelles relations de fraternité et aussi d’amitié, notamment avec l’aménokal (chef d’une confédération touarègue) Moussa. Après le Maroc, c’est une nouvelle situation de crise (fatigue physique, psychique et spirituelle) qui lui permit de (re)vivre une expérience de solidarité qui sera à l’origine de ce qu’on appelle souvent sa seconde conversion. En effet, au moment d’une famine due à la sècheresse, il ne doit la vie sauve qu’à des femmes touarègues qui recueillent le peu de lait qu’elles trouvent dans la région pour le lui apporter.

Il n’est pas véritablement possible de dire que Charles de Foucauld soit un précurseur du dialogue inter-religieux, surtout dans le sens où nous l’entendons aujourd’hui. Cependant, ses intuitions ont inspiré le Concile Vatican II, et nourrirent bien d’autres personnes après lui dans leur approche de la mission et du dialogue. Et il nous montre aussi que la rencontre d’autres croyants, dans la fidélité à sa propre foi, est source de croissance spirituelle.

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