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Troisième message à mes chers alsaciens

Comment soigner le remède ?

Le virus fera beaucoup de dégâts mais le confinement en fera encore plus.

Après deux semaines, les psy. ont remplacé les médecins sur les plateaux des TV. Dans les journaux, les conseils au confinement arrivent en rangs serrés : prennent la parole des commandants de sous-marins, des psychologues, des philosophes etc.

On a oublié d’inviter d’anciens (ou actuels) prisonniers. Et pourtant, ceux-là aussi auraient à nous enseigner. De plus, discrètement, on nous informe qu’il y a +32% de signalements de violences conjugales en zone gendarmerie et +36% dans la zone de police, en une semaine.

Sur ce thème, je vous partage la confidence reçue récemment d’un ami médecin alors qu’il revenait de l’Institut médico-légal de Strasbourg : « Malheureusement, c’est une autre facette de ce qui nous arrive, en plus ; beaucoup de violences en famille et entre voisins ; l’alcoolisme y est pour beaucoup. C’est une autre facette invisible… Une catastrophe qui nous tombe sur la figure… »

Cette vérité commence à suinter derrière la retentissante promotion des gestes solidaires. Je veux bien qu’on chante ce qui se fait de beau mais il y a un risque à taire ce qui se vit de sombre. Croyant ou incroyant, nous assumons une humanité ambivalente qui n’est pas simple à endosser en toutes circonstances même avec une forte spiritualité enracinée dans une foi vive.

Cette vérité sur l’homme, nous la connaissions déjà grâce à notre Tradition chrétienne. Elle se résume à ceci : nous ne sommes pas appelés à vivre cloitrés en moine (là, je ne m’adresse ni aux moines et ni aux moniales). Et ça vaut aussi pour nos prêtres diocésains. Et aucune spiritualité ne nous évite ce conflit intérieur.

Certains exaltent le confinement comme une chance pour grandir. Cette idée me semble vraiment abstraite. Ceux qui la soutiennent vérifieront en eux-mêmes si elle n’est pas une incantation pour fuir leur difficulté personnelle à vivre l’assignation à résidence. Une sorte de mantra à effet magique : « Tout va bien », claironne celui qui se défait au milieu des illusions qu’il s’est construites.

Il est vrai qu’une certaine forme de solitude enracine l’homme en son cœur profond. Mais nous la vivons ou la cherchons dans le cadre d’une retraite spirituelle et avec les moyens appropriés.

De plus, cette idée ne me convient pas du tout. Comptez sur moi pour prier pour chacun de vous, pour nos admirables personnels soignants, pour tous ceux qui délaissent leur vie familiale en servant les autres. Je le fais tous les jours à la messe. Mais ne comptez pas sur moi pour exalter ce confinement.

Il est nécessaire comme l’est un remède dont il eut mieux valu se passer. Le confinement est au covid-19 ce que la chimiothérapie est à un cancer. Il faut choisir la bonne dose pour éviter que le patient ne décède du remède avant de mourir de la maladie.

Pour une personne exceptionnelle qui aura profité de cette mise à l’écart pour grandir (croissance qu’elle gagnera à faire valider par ses proches), des centaines de personnes en feront les frais. La note à payer risque d’être lourde quand l’épidémie sera « derrière » nous.

Le confinement est un remède de choc appliqué d’un coup et à tous sans essais cliniques préalables. Ses effets secondaires n’ont pas pu être mesurés : jamais depuis la guerre nous avons été dans ces circonstances exceptionnelles. Ce remède semble nécessaire.

L’État nous l’impose et à nous d’en suivre religieusement la posologie. Mais il implique aussi un défi à détecter avec lucidité car la bataille n’est pas moins rude sur le front du confinement que sur le front des hôpitaux. Pour le dire autrement : Comment soigner le remède ?

Si ses effets sont conséquents sur les gens solides, qu’en sera-t-il sur les personnes fragiles ? Je pense beaucoup aux personnes les plus fragiles. Celles-ci paient toujours avant les autres. Le confinement ne gomme pas les fragilités, il les révèle et il les accentue.

Comme la pression sur une plaie fait sortir le pus, cette clôture non choisie (et non préparée) presse les fragilités. C’est le couteau qu’on retourne dans la plaie. Ce qui était douloureux tourne au désastre. Comment faire pour garder chez lui un jeune de 25 ans atteint de troubles psychiques graves ? Ajoutons que sont rares, très rares ceux qui n’ont aucune fragilité.

Prenons garde à nous croire plus solides que nous ne le sommes en réalité. La colère est souvent aux portes de notre cœur, toute prête à jaillir et à blesser.

Prions encore pour nos autorités politiques qui tentent de choisir le moins pire entre la maladie qui assassine en face et le remède qui détruit par derrière.

Et invitons l’Esprit saint à régner entre nous, en nous. Sa marque de fabrique nous est connue : paix et joie. Seul ou seuls nous ne nous en sortirons pas par le haut.

Viens Esprit-saint !

Que Dieu vous garde tous !

+ Luc Ravel
Archevêque de Strasbourg

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