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La fragilité du lien

La fragilité du lien est une évidence dans notre société moderne. Et pourtant, il est ce qui humanise et lie les hommes entre eux.

Un lien, du latin ligamen, est ce qui lie. Ce peut être un objet, fil, ficelle, corde, chaîne qui attache, met en relation de proximité mais aussi retient, ferme, emprisonne.

Il peut relier de façon virtuelle deux idées, pensées, informations pour une ou entre deux personnes, dans une dimension plus ou moins logique d’appartenance, de dépendance.

Sur le plan affectif, symbolique et aussi juridique, il atteste d’une relation entre une ou plusieurs personnes. Ainsi, il maintient, fait tenir ensemble, relie, soutient, accompagne, soigne, (re)humanise, mais aussi retient.

Ces oppositions obligent à envisager le fait que le lien ouvre à une conflictualité éthique.

L’origine du lien humain, c’est à dire ce qui lie les êtres entre eux, est à trouver dans la relation de l’enfant à sa mère (et au-delà, ses parents), de façon biologique tout d’abord (cordon ombilical qui relie le foetus à la mère et permet à celui-ci de se développer pour vivre) ; puis affective : le lien affectif protège l’enfant, le garde en sécurité, le guide puis doit se desserrer progressivement pour lui permettre de s’autonomiser.

Pour la psychanalyse, le lien se construit psychiquement en termes de « relation d’objet » (constitution du sujet en prise directe avec « l’objet-mère »), puis d’accès au statut de sujet autonome parlant et désirant. Le lien humain ouvre à la subjectivité et à l’intersubjectivité (espace de chevauchement entre l’individuel et le collectif).

Le lien est donc ce qui humanise l’enfant grâce et dans la relation à l’autre mais peut aussi l’aliéner.

Dans le monde moderne, le lien entre particulièrement en concurrence avec l’éthique du sujet et la montée de l’individualisme qui distend le lien social: il est en même temps magnifié et fragilisé par une culture de moins en moins contenante1.

Mais c’est parce qu’il a perdu de sa netteté que le lien nécessite aujourd’hui plus d’attention, de sollicitude aux besoins de chacun dans une éthique de la responsabilité et du care. Celle-ci met en avant l’interdépendance fondamentale des humains et la nécessité du maintien du lien, avec la sollicitude, l’attention portée à l’autre dans le respect de l’autonomie et la dignité de chacun.

Cette éthique du care traverse la relation médecin malade, au-delà des seuls soins organiques. C’est bien sûr le cas en psychiatrie : le lien y est particulièrement fragilisé, non pas du fait de l’individualisme ambiant mais en raison de la spécificité de la maladie mentale et de la pathologie du lien qu’elle engendre.

C’est ce qui complexifie (mais n’annule pas) la prise en compte des principes interrogeables de respect de l’autonomie de la personne malade mais aussi isole celle-ci, la coupe des autres et de la compréhension du monde par les troubles affectifs et/ou cognitifs qui lui sont intrinsèques : rejet, perte, fragilisation, absence, rupture ou encore dysfonctionnement du lien, dépendance, délire. Plus que jamais, le lien demeure un enjeu éthique.

Pr. Anne Danion, Psychiatre

1 Jacques Arènes, « penser l’éthique de la famille et l’éthique du lien dans le contexte d’une culture moins soutenante », Institut catholique de Lille, CAIRN pour ERES, article 107-117.

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