Témoignage : Vincent Fischer, visiteur-bénévole de malades
À l’occasion de la journée mondiale du malade ce 11 février 2023, nous avons rencontré Vincent Fischer, visiteur-bénévole de malades à l’hôpital civil de Strasbourg depuis 6 ans.
Qui êtes-vous ?
J’ai 39 ans et je vis à Strasbourg. Je suis visiteur de malades à l’hôpital civil depuis septembre 2017 au sein du service des dialysés. C’est-à-dire pour les personnes ayant un problème de rein qui ne fonctionne plus correctement ou pas du tout. Ils vont à l’hôpital tous les deux jours pendant environ 4 heures pour leur dialyse.
Comment s’est fait le déclic pour cet engagement ?
Je suis allé au pèlerinage du 15 août à Lourdes en tant qu’hospitalier en 2016, l’année du Jubilé de la Miséricorde. Je me suis inscrit en tant que « piscinier » et ça m’a plu. J’ai rencontré des personnes exceptionnelles, qui allaient au pèlerinage depuis des générations. Avec simplicité, elles m’ont fait découvrir les malades dont l’humanité nous portait.
On se demande qui visite qui ?
Comment s’est passé votre retour de Lourdes ?
Quand je suis reparti, quelque chose en moi avait changé. Et je me suis dit « comment vivre le message de Lourdes toute l’année ? » J’ai alors fait une année en pastorale de la Santé dans ma paroisse où je visitais une personne en maison de retraite. Mais il manquait quelque chose. On m’a présenté Jean-Paul Malod-Dufour (de la pastorale de la Santé) et je suis rentré à l’hôpital civil en septembre 2017. J’ai commencé par le service des dialyses et finalement je n’ai jamais changé. L’équipe est formidable.
À quelle fréquence allez-vous à l’hôpital ?
J’y vais deux fois par semaine pendant le temps de la dialyse. J’arrive pendant qu’ils sont branchés aux machines et je repars quand ils sont débranchés. Les services de dialyse nous connaissent. On respecte des protocoles avec le masque. J’essaie de ne pas interférer avec le travail médical, qui prime d’abord. Et pour des raisons hygiéniques, on part quand ils sont débranchés.
Que se passe-t-il pendant ces permanences ?
Dans une séance de dialyse, je vois deux ou trois personnes minimum mais souvent plus. Certaines personnes dorment, d’autres lisent. Certains ont besoin ou envie de parler et d’autres non. Parfois, ils ont une journée de travail « dans les pattes » et reprennent le lendemain matin. Ils regardent des films. Certaines fois, ils sont plus fatigués et les entretiens ne durent que 10 minutes ou le temps d’un bonjour. On doit savoir être à l’écoute du patient. Je n’ai pas de temps limité par personne.
On est là pour écouter les malades et les ‘soigner’ d’une autre façon
Quelle est votre mission auprès d’eux ?
On est là pour eux. Ils savent qu’on représente l’aumônerie catholique. On parle de leur santé, de leurs doutes, de leurs peurs et même aussi de sport, d’actualité, de leurs familles. Ce temps est aussi un moment d’évasion dans lequel ils ne pensent pas à la maladie. On est une écoute, on n’est pas là pour leur donner de conseils. Certains ont envie de parler de spiritualité. Parfois, ils parlent de l’Eglise et veulent régler leur compte avec elle en disant pourquoi ça ne leur plait pas. A certains, on apporte la communion, on prie avec eux. C’est une relation sur du long terme. Je connais d’ailleurs des patients depuis 2017, ce qui est atypique en milieu hospitalier. Une personne malade ne va pas forcément parler de certains sujets à sa famille ou à un psychologue. On est l’interlocuteur qui est là au bon moment.
Un moment vous a-t-il particulièrement touché ?
Un souvenir assez atypique, c’était, en 2018, lors de la finale de la coupe du monde de Football gagnée par la France. Vers 16h, tout le monde regardait le foot. L’infirmière les avait maquillé aux couleurs du drapeau français. Et finalement pendant tout le temps de ce match, ils ont oublié la maladie, ils ont vécu le match, il y avait une communion. C’était l’occasion de commencer des discussions qui ont continué par la suite. Ma mission est aussi d’être là pour ces moments de joie qui rapprochent.
Quelle est votre relation avec le personnel soignant ?
Il y a un besoin d’écoute car les soignants n’ont pas toujours le temps de discuter avec le psychologue ou avec le médecin. On est aussi là pour être leur oreille. Les infirmières sont là pour soigner mais on est là pour les écouter et les soigner d’une autre façon. Elles ont des vies très denses.
Avez-vous suivi une formation de visiteur de malades ?
Il y a d’abord une formation initiale où l’on se retrouve une dizaine de fois autour de thématiques et sur « comment gérer son rôle de visiteur. » Il y a ensuite une formation continue. Mais elles ne sont pas obligatoires. Ça m’a aidé. Puis, au niveau de l’hôpital civil, vous avez toujours un entretien avec un aumônier pour parler des motivations de départ et de votre foi. Sinon, il y a aussi des temps de partage, une fois par mois, entre les aumôniers et les visiteurs de malades. Et, lors desquels, on reste soumis à un devoir de discrétion.
Visiter les malades m’a fait me rendre compte de la richesse de la vie
Selon vous, comment le Christ se comportait-il auprès des malades ?
Le Christ allait vers les plus pauvres, les malades, il était au plus proche. Il a touché des lépreux. Si Lui il a pu le faire, il faut que ce soit un exemple pour nous. Nous on ne les guérit pas ou pas comme on le pense. On les accompagne. On est là. N’hésitons pas à aller voir une personne hospitalisée. L’hôpital est une vraie fourmilière et une personne qui est sur son lit d’hôpital a le temps de réfléchir à beaucoup de choses et de sentir seule.
Comment était votre foi au moment où vous vous êtes engagé ?
Elle était déjà présente même si c’est un long chemin. Aujourd’hui, je peux plus facilement en parler. Je pense qu’il faut savoir témoigner de sa foi avec de vrais mots. A l’exemple du pape François, qui s’exprime avec tant de simplicité. Ou encore de Gad Elmaleh quand il parle de sa foi. C’est juste fantastique. C’est une mission pour tout chrétien de savoir être témoin.
Quel est votre rapport à la mort ?
Visiter les malades m’a fait me rendre compte de la richesse de la vie. La mort reste compliquée. On essaie d’accompagner la personne quand c’est possible, dans toute son humanité. Dieu est là, il veille sur nous. Je lui confie les personnes. La figure du bon larron est intéressante. Il a eu une vie compliquée, il a su demander pardon et se convertir. Il n’est jamais trop tard. Et je crois que la foi est quelque chose qu’il faut cultiver. Ce n’est jamais facile, on ne sait pas comment on va être avec la maladie.
Avez-vous assisté à des conversions ou rencontré des personnes qui retrouvent la foi ?
Oui, grâce à un ensemble de maillons. L’Esprit Saint est un bon mécanicien pour les chemins de conversion. J’aime les gens qui ont des doutes car ils questionnent nos certitudes. Avec des malades, on se demande parfois « qui visite qui ». J’ai rencontré des personnes qui n’étaient pas loin de se rabibocher avec l’église. Comme ce dialysé qui a été frappé par l’injustice de la maladie, survenue tout de suite à la retraite : « pourquoi moi ? » s’est-il dit. Pendant 40 minutes, il m’a confié pourquoi il avait l’église en horreur. Il en avait besoin, il fallait l’accueillir. Et au fur à mesure de la discussion, il m’a demandé si je pouvais revenir le voir. Il n’était pas fâché, il avait un grand sourire. Un autre homme m’avait dit « je ne suis pas d’accord avec ce que vous représentez mais ce que vous faites c’est bien. » C’était déjà un chemin de réconciliation. Il était plus apaisé. Il était très bien entouré. Je suis l’un de ces petits maillons.
Avez-vous un souvenir de votre dernier séjour à Lourdes en tant qu’hospitalier ?
Cette année je me suis engagé en tant qu’hospitalier sur le parvis de Lourdes, le 14 août. On lit un texte au micro et toute l’esplanade est remplie de fauteuils, de personnes malades, d’hospitaliers, de pèlerins… J’ai regardé ces personnes malades en me disant « Pour dire merci à Marie, est-ce que j’aurais comme eux le courage de traverser la France en train tout en étant malade et de dépendre des autres ? Wahou ce sont eux les héros ! » J’ai pu voir la fragilité du vivant mais aussi toute sa beauté.
Que diriez-vous à une personne qui souhaiterait devenir visiteur de malades ?
Vivez votre foi pleinement, soyez des témoins même si l’église est dans la tempête. Comme Noé sur son arche, tenons coûte que coûte. On a tous un rôle à jouer dans cette église qu’on soit laïcs, consacrés, bénévoles. Vivons notre foi et témoignons-en à notre façon. Une belle parole de Benoît XVI qui a fait du bien à l’Eglise : « chacun de nous est le fruit d’une pensée de Dieu, chacun est aimé, chacun est nécessaire ». La visite aux malades est un témoignage, quelque chose de très simple. Cette phrase du pape Jean-Paul II m’a beaucoup parlé : « La sainteté ne consiste pas à accomplir des œuvres exceptionnelles, mais à vivre de façon extraordinaire des choses ordinaires. »
Propos recueillis par Laurie Georges
Lieux d’engagement
Hospitalité alsacienne Notre-Dame de Lourdes : contact.hospitalitealsacienne@gmail.com
Prier avec les malades à Strasbourg
Chaque lundi (hors vacances scolaires) de 13h30 à 14h : Temps d’Adoration à la chapelle du NHC (Nouvel Hôpital Civil).
Chaque Mercredi à 14h15 : Messe à la chapelle du NHC.
Chaque vendredi (hors vacances scolaires) de 12h30 à 13h30 : Temps d’Adoration à l’église St Arbogast dans l’Hôpital Civil
S’engager dans le Service évangélique des malades ou comme en aumônerie d’Hôpital